Fatima Hassouna, martyre d’une guerre sans témoins : comment Israël élimine systématiquement les voix de Gaza

Fatima Hassouna, martyre d’une guerre sans témoins : comment Israël élimine systématiquement les voix de Gaza

La photojournaliste palestinienne Fatima Hassouna, âgée de 25 ans, a été tuée mercredi 16 avril dans un bombardement israélien qui a décimé sa famille, réduisant au silence une voix essentielle de Gaza. Ironie cruelle du sort : quelques heures avant sa mort, le Festival de Cannes annonçait la sélection du documentaire Put Your Soul on Your Hand and Walk, dans lequel elle jouait un rôle central. Ce film, réalisé par Sepideh Farsi, devait être une fenêtre sur l’enfer gazaoui. Il devient désormais un tombeau cinématographique.

Fatima n’est pas une victime collatérale. Elle fait partie des près de 200 journalistes palestiniens assassinés depuis le début de l’offensive israélienne en octobre 2023. Un chiffre qui dépasse l’entendement, révélant une stratégie méthodique : éradiquer les témoins. Comme les travailleurs humanitaires, les reporters sont sciemment pris pour cibles. Pourquoi ? Parce qu’Israël entend mener cette guerre en huis clos, loin des regards indiscrets, dans l’obscurité médiatique.

Une extermination organisée des témoins

Le cas de Fatima est emblématique. Son documentaire, programmé à Cannes, donnait une voix aux Gazaouis sous les bombes. La réalisatrice iranienne Sepideh Farsi la décrivait comme "ses yeux à Gaza", un lien vital avec l’extérieur. En la supprimant, l’armée israélienne ne tue pas seulement une jeune femme : elle anéantit un canal d’information, une mémoire, une vérité.

Cette logique est implacable. Depuis six mois, les frappes ciblent hôpitaux, équipes médicales, reporters et ONG. L’objectif est clair : isoler Gaza du monde, empêcher toute documentation des crimes. Comment croire, dans ces conditions, à la thèse des "bavures" ? Les assassinats de journalistes comme Fatima, de médecins comme le Dr. Adnan Al-Bursh (tué en prison), ou d’humanitaires comme les 7 membres de World Central Kitchen, obéissent à une même volonté : faire disparaître les preuves.

"Je veux que ma mort soit tonitruante"

Dans ses dernières paroles, rapportées par AJ+, Fatima avait lancé : "Si je meurs, je veux que ce soit une mort tonitruante. Que le monde entier entende parler de ma mort. Je veux un impact qui ne s’efface pas." Son vœu est exaucé, mais à quel prix ? Cannes lui rendra hommage, les caméras braqueront leur objectif sur son histoire… avant de passer à autre chose. Pendant ce temps, à Gaza, le silence s’épaissit.

Chaque journaliste tué, chaque humanitaire assassiné, chaque hôpital détruit participe de ce black-out organisé. L’Occident feint de s’indigner, mais laisse faire. Pourtant, sans témoins, le massacre devient indicible. Fatima Hassouna savait que ses images étaient une arme. C’est pour cela qu’on l’a tuée.